Carnet de route

"TOUT SALE DU MAILLOT"- bis repetita

Le 21/06/2024 par Matthieu LE GALLO

Ordesa, cette vallée profonde bordée de parois raides et impressionnantes formant un grand canyon est un site majeur de l’escalade aventureuse en Espagne.

Ces parois sont exceptionnelles car composées d’un calcaire gréseux unique, elles offrent aux grimpeurs et randonneurs des couleurs uniques et variées, des teintes chaudes allant de l’ocre à l’ambrée, parcourus de nombreuses fissures

Ici, « l’équipement brille par son absence » et les voies sont engagées.

L’excellent topo de C.Ravier et R.Thivel précisent « qu’une escalade ici ressemble à un voyage à travers un assemblage , au-delà de la verticale, d’énorme blocs de calcaire empilés et enchâssés, où trouver le bon itinéraire n’a rien d’évident et où les variantes ne sont que péripéties »

Parmi toutes ces parois et toutes ces voies plus dures les unes que les autres, par laquelle commencer ? Par laquelle découvrir ces hauts lieux et pénétrer dans ce monde vertical mythique ?

Et bien commençons par celle que l’on voit en arrivant, le Tozal del Mallo, cette tour verticale de 400m élancée dans le ciel bleu de l’Aragon et qui saisit de stupeur le touriste et éveille chez le grimpeur un désir irrésistible… tel en fut la description par P.de Bellefon.

C’est en 1957 que la première voie fut ouverte sur les murailles d’Ordesa et précisément au Tozal, dans la grande fissure bien visible du bas. Une ligne de faiblesse qui n’avait pas échappé à J.Ravier et ses 4 compères. C’est sans visa à l’époque et donc clandestinement que l’équipée sauvage se rendirent dans la vallée d’Arrazas et 2 bivouacs plus tard, la voie originale dite ‘Ravier’ était ouverte.

Parmi l’équipe composé de 2 pyrénéistes, et de 3 bleausards , on retrouve notamment C.Jaccoux qui deviendra un grand guide chamoniard et qui qualifiait le Tozal de Grand Capucin des Pyrénées !

 

Alors avec tout ça que dit le topo ?Si vous n’êtes pas habitué des lieux, ne sous-estimez pas la verticalité de la paroi, le caractère athlétique des passages et des longues cheminées de sorties…

Gloups… ca risque d’être beau, vertical et à l’ancienne !

Un jeudi soir pluvieux nous allons en reconnaissance au bout du parking de la Pradera pour reconnaitre le sentier du lendemain.

Une courte nuit en camion plus tard, et à proximité de Torla pour éviter une amende salée de stationnement dans la zone du parc , c’est frais comme des gardons que nous prenons la route vers la Pradera. Oups barrière fermée à mi-chemin..il est 5h50 c’est quoi l’embrouille ?

Une lumière s’alume dans la cahute à proximitée, une tête mal reveillée sort de la fenetre…

S’engage alors un dialogue de bon matin.

- Hola jovencita, si es posible, podrías abrirnos la barrera porque nos gustaría descubrir tus hermosas paredes escalando temprano en la mañana?

- cabrón, está cerrado, es 21 de junio, es verano ! . solo tienes que volver a torla, el autobús sale en 5 minutos luego tendrás que esperar 1 hora

- et merde venga venga !

 

Ouf on arrivera finalement à sauter dans la navette juste à temps pour la modique somme de 6€ pour 6km.

Une petite heure d’approche nous permet d’appréhender un peu les mieux et de nous rendre compte de la raideur de la paroi. Un izard peu timide nous montrera la sente à emprunter pour arriver au pied de la première longueur.

Celle-ci en temps normal n’est pas dure mais vu la pluie de la veille , l’escalade végétale devient un poil plus dur, avec l’onglet qui s’en ressent rapidement. On arrive rapidement au pied du mur. C’est d’ailleurs de là que l’on voit mieux le mur . En fait non on ne voit plus grand chose … seul le début de la fissure nous attire du regard...le fameux laminoir. Plutôt content de laisser cette longueur à Etienne en tête, j’en ressortirait tout sale du maillot ! j’ai eu l’impression qu’il y avait moins de pitons que ce que les topos mentionnent et que le A0 devenait donc plutôt du A1 avec un bon n°3 sur lequel on a pu tracter comme il faut. L’avantage de l’escalade artificiel c’est que l’on est libre de choisir sa propre éthique, et tirer sur tout ce qui tient ça me va bien !

Le reste se déroule avec un grand sourire aux lèvres, heureux d’être là tout simplement.

C’était beau, vertical et à l’ancienne !

Les relais bien conforts permettent de repenser à nos prédécesseurs charentais qui sont passés par là également : Bernard F il y a 40 ans .Philippe B il y a plus de 10 ans avec R.Thivel. Marco avec R.Laborde en 2012. https://cafangouleme.ffcam.fr/index.php?alias=detail-carnet-de-route&oid=T032:4qx5pb9iukf6

Vincent A en 1977, dans sa quête effrénée de cocher les plus belles courses des Pyrénés,lui a préféré la 98ème qui démarre plus à gauche et traverse le Tozal en son milieu : la franco-espagnole .On en oublie peut être d’autres.

Puisse ce carnet donner envie à d’autres cordées charentaises d’aller y faire un tour !

 

Franz Schrader affirmait que le plus beau belvédère des Pyrénées était la Punta Diazas (2169m) face au Tozal del Mallo. Il était un membre influent de la Société de géographie de Paris, et devient en 1901 président du Club alpin français. On ne va donc pas contre dire son point de vue…

 

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