Carnet de route

L'intégrale du Lys ou l'appel des 3000

Le 14/09/2024 par Matthieu LE GALLO

Ce week-end était prévu un week-end initiation rocher encadré par nos alpinistes filles du moment,  Catherine, Pauline et Brigitte sous le regard attentif de notre guide Rémi aussi fort que humble et gentil.

Mais après mure réflexion,  j’ai eu peur que ma présence ne desserve l’objectif de ce week-end c’est-à-dire l’organisation de A à Z du week-end et de son encadrement par les filles.

Je me voyais déjà leur dire de prendre telle ou telle corde, de réserver tel refuge,  de prendre plutôt le friend rouge que le coinceur bleu sans oublier de mettre du rythme !

C’est quand on est au pied de la voie que l’autonomie s’acquiert et surtout quand il n’y personne derrière ! Je laissai donc les filles apprendre à voler de leurs propres ailes (avec Rémi en parachute quand même) car il est temps qu'elles percoivent qu'elles sont largement capables de le faire!

C’est donc dans une autre vallée que je me suis rendu. Une vallée Pyrénéenne qui occupait mon esprit depuis fort longtemps...

Eté 2012 - nous prenons un but à cause de la météo lors d’une sortie alpinisme avec Marco, Mimi et Nico en voulant gravir la fameuse arête du Luchonnais : Crabioules-Lezat.

Eté 2013 -encore un but météo avec Wiwi sur l’arête Crabioules -Lezat, qui nous contraint à réchapper sous l’orage peu avant le premier gendarme (nous n'avions d'ailleurs pas nos papiers..).

Hiver 2013- troisième but, cette fois pour les conditions de glace qui empêchent notre ascension du Maupas lors d’un week-end raquette/raclette organisé par Wiwi.

Il a fallu attendre plus de 10 ans pour que les planètes s’alignent et pour pouvoir enfin arrêter cette malédiction du cirque du Lys.

Pour conjurer le sort il fallut également attendre de pouvoir partir un vendredi 13 afin de mettre toutes les chances de notre côté (et qu’il fasse beau, et d’être dispo, et d’avoir un compagnon de cordée rustique et efficace, une lune assez grosse …) bon on croise les doigts, et on verra bien, faut aller voir comme disait l’autre.

En résumé la pratique de l’alpinisme c’est l’inverse de la société du ‘tout dans l’instant’, du ‘tout sécuritaire’, du ‘je laisse tomber si ça ne va pas’… il faut savoir persévérer..

Passer une journée entière en montagne sur le fil des crètes frontalières c’est quelque chose.

Et là en termes de sommets et d’ambiance on allait être servi ! L’objectif du weekend avec Etienne est donc d’aller parcourir l’intégrale de la vallée du Lys. C’est un avantage dans une cordée de 2 d’avoir un moteur à essence pour démarrer la journée à froid et d’avoir un bon diesel qui pourra terminer la course à la frontale !

Nous commençons le vendredi soir par avaler les 1400 m de dénivelé pour s’approcher le plus possible du départ. Finalement avec la brume environnante et les 0 degrés ambiants, on se dit qu’on serait pas si mal sur la terrasse du refuge du Maupas. La gardienne accepte que l’on mange au chaud dans la salle commune. C’est le seul refuge de la chaîne qui est chauffé nuit et jour, hiver comme été. Il faut bien en effet un dédommagement pour l’impact visuel des câbles et poteaux électriques environnants…

En feuilletant les livres disponibles sur l’étagère du refuge, je peux enfin découvrir ma véritable identité. Il se pourrait peut être que je sois un bretagnard…

https://www.ouest-france.fr/bretagne/hennebont-56700/hennebont-les-bretagnards-ou-la-passion-bretonne-pour-les-pyrenees-7188387

Le réveil sonne à cinq heures et la journée commence par une montée tranquille, à la frontale,  en direction du col de Boum. Nous avons mis le clignotant à gauche pour passer sur les restes du glacier éponyme. Nous démarrons la grimpe dans du terrain à isards qui nous permet de rejoindre facilement l’éperon Nord Est du Pic de Boum.

On arrive avec le soleil levant, en grimpouillant facilement au sommet du pic. C’est la descente vers le col de Boum qui nous prend plus de temps avec ses trois bons rappels de 50 m.

La chevauchée fantastique peut véritablement démarrer désormais :  au programme l’intégrale du Lys :  l’enchaînement des pics de Boum, Maupas, Crabioules, Lezat et Quayrat et dans la journée si possible!

L’arête est du Maupas, aussi appelée Boum- Maupas, est très belle, peu difficile, aérienne et avec un très bon rocher. Elle mériterait d'être reconnue , remise au goût du jour.  Puis vient la facile traversée du Maupas jusqu’au col de Crabioules en passant par bon nombre de pointes dépassant les 3000 m. Alberto Rabadá et Ernesto Navarro ont été une des cordées les plus importantes de l’histoire de l’escalade en Espagne et les 2 pointes qui suivent le pic du Maupas portent respectivement leurs noms.

Entre nous c’est tendu... enfin surtout la corde ! L’ambiance elle,  reste bien détendue et nous filons à bon rythme pour remonter aux sommets des deux pics de Crabioules : l’oriental et l’occidental. Un passage rapide à la brèche à Mamy et nous pouvons attaquer la partie un peu plus grimpante de l’arête Crabioules-Lezat. De nombreux gendarmes viennent alors nous ralentir, mais nous pouvons éviter soigneusement de rencontrer ces messieurs de la maréchaussée en les évitant à gauche ou à droite. Au pire des cas, on leur grimpera dessus (nous n'avions plus de ministre de l'intérieur à ce moment là de toute facon..) . La journée s’étire , nos cuisses s‘alourdissent, les muscles se déshydratent, l’estomac rétrécit, les yeux s’allongent, les doigts se gercent et avec tout cela il nous faut rester concentrés au maximum.

Un dernier rappel nous ramène à la brèche du Quayrat, à la sortie de la glauque fissure du Lezat.

Nous repartons pour notre dernier parcours d’arête sur du rocher délité a priori. Une nouvelle course commence celle d’arriver avant la nuit au sommet du Quayrat.  Il nous faudra tester une à une chaque prise avant de poser le pied ou la main, le caillou ayant la réputation sur cette portion de ne pas être très solide.

20h30 le soleil se couche au sommet du Quayrat, juste au moment où on l’atteint !

On se retourne et les 16 sommets de 3000 m enchaînés aujourd’hui nous regardent. Cuits mais heureux nous sommes. Le parcours de la journée parait alors bien long quand on l’observe depuis la ligne d’arrivée désormais  ! On ne voit presque pas le pic de Boum d’ailleurs, il est trop loin !

Le vent se lève avec la lune. Il nous reste à trouver un emplacement de bivouac à peu près plat et un peu à l’abri du vent. Après quelques errements nocturnes vers le petit Quayrat, nous trouverons un  peu de plat vers le col versant Portillon. Ça ira bien ! La soupe de tomate prise sous les étoiles filantes a un goût bien particulier. Cette saveur des belles courses réussies entre copains. Fatigués, vidés mais heureux ! Morphée ne mettra guère de temps à nous cueillir ce soir.

La descente du Quayrat le lendemain matin sur le versant du Lys ne sera que tours et détours (voir retours !) pour perdre les 2000 m de dénivelé négatif nécessaire afin de rejoindre le parking de l’auberge du Lys. Les cuisses et genoux mettront quelques jours pour s'en remettre d'ailleurs !

PS : Pour ceux qui seraient tentés par l’aventure, mieux vaut éviter septembre (le jour dure moins longtemps, il faut être autonome en eau et le duvet doit permettre de passer des nuits à température négative. Le poids du sac s’en fait ressentir...)

 

 

Sommets parcourus (par ordre d’ascension):

Pic de Boum 3006m

Pic de Maupas 3109m

Pic Navarro 3043m

Pic Rabada 3045m

Tusse de Remuñe 3041m

Aiguille Jean Garnier 3025m

Crabioules Occ. 3106m

Crabioules Or. 3116m

Pointe Mamy 3048m

Pointe Lacq 3010m

Aig. Inf. de Lézat 3023m

Aig. Cent. SE de Lézat 3037m

Aig. Cent. NW de Lézat 3058m

Aig. Sup. de Lézat 3069m

Pic Lezat 3107m

Grand Quayrat 3060m

 

D’autres infos ici :

https://sebastienlhorty.com/2017/06/17/boum-au-quayrat/

ou là :

https://florianlah.blogspot.com/2020/09/integrale-du-cirque-du-lis-du-boum-au.html

 

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