Carnet de route

Sortir de sa zone de confort ou comment se prendre un orage à 3000m

Le 09/09/2023 par MERZEAU Michel

Sortir de sa zone de confort ou comment se prendre un orage à 3000m d'altitude.

Le bulletin météo pour ce we là était parfait et pour une fois tous les prévisionnistes étaient d'accord. Beau, chaud, Pas de pluie, pas d'orage, pas de vent, bref le temps idéal pour faire un bivouac en haute montagne.

Nous sommes donc 4 à quitter Angoulème vendredi 8 Septembre, équipés comme il se doit pour faire une sortie itinérante de 2 jours. Direction Gavarnie et pour la 1ère nuit, cabane de Milhas, vallée d'Ossoue. Nous arrivons de nuit. Elle est libre et entourée d'un troupeau de vaches pas trop bruyantes.

Samedi 9 : Debouts avant le lever du jour, la journée est chargée, nous attaquons le petit déj et avec le véhicule, nous redescendons sur Gavarnie pour monter au col des Tentes 2208m. Le jour s'est levé et déjà de nombreux randonneurs s'apprêtent à sillonner les sentiers du parc national des Pyrénées et du parc national d'Ordesa Mont Perdu.

Notre objectif est plein Est, à cheval sur la frontière franco espagnole. Nous allons d'abord au port de Boucharo 2270m, puis par un sentier bien tracé nous traversons avec précaution la cascade du torrent du Taillon 2400m pour rejoindre le col des Sarradets 2589m. De là, apparaît le refuge de la Brèche 2587m où nous faisons une petite pause avant une dure montée à la Brèche de Roland 2807m. Les sacs sont lourds, la pente est raide sur la moraine du glacier de la brèche presque totalement disparu. Magnifique paysage côté espagnol sec et désertique. Nous prenons à l'est le sentier nous conduisant au pas des Isards 2740m, passage impressionnant mais sécurisé avec une main courante. Nous continuons sous les barres rocheuses notre progression en ascendance. Nous passons sous le Casque, puis sous la Tour . Nous traversons tout un système de vires séparées par des cheminées où il faut mettre les mains. Nous finissons par arriver au col de la Cascade 2931m où nous cachons nos affaires de bivouac que nous récupèrerons en fin de journée. C'est maintenant avec des sacs allégés que nous continuons, toujours plein Est direction Mont Perdu et cylindre du Marboré. Nous quittons cet itinéraire pour maintenant faire l'ascension du marboré par la voie normale, d'abord Nord pour rejoindre la crête frontière venant du cylindre puis Ouest pour rejoindre le sommet 3248m. Le paysage est grandiose, tour d'horizon et tous les grands sommets des hautes Pyrénées s'offrent à notre vue. Nous essayons de les reconnaître, ce qui n'est pas trop difficile pour certains tout proches mais aussi pour ceux plus éloignés ayant une forme caractéristique. Au sommet, nous ne nous lassons pas de ce paysage minéral et très coloré. Nous sommes seuls. Il faut dire que l'accès est long et paumatoire. Maintenant, à l'Ouest, facile de voir l 'itinéraire qu'il nous reste à parcourir pour terminer le we. L'itinéraire par les crêtes est évident. Nous voilà partis pour le pic oriental de la cascade 3161m, tels des équilibristes sur un fil , d'un côté le cirque de Gavarnie 2000m en dessous, de l'autre les sommets du parc national d'Ordessa Monte Perdido. Le sommet est facile d'accès. Nous enchaînons parfois avec l'aide des mains, par une descente et une montée en direction du pic Central ou pic Brule 3103m, puis ce sera le pic occidental 3095m. Nous continuons nos montées et descentes , escalades et desescalades faciles de barres rocheuses pour arriver à l'Epaule du marboré 3073m. Le dernier sommet de la journée est tout près mais nous devons faire un grand détour pour retrouver notre chemin du matin et récupérer notre matériel de bivouac au col de la Cascade. Les jambes commencent à être lourdes et les cuisses douloureuses. Une petite pause au col et nous voilà repartis pour une dernière grimpette jusqu'à la Tour du Marboré 3009m . Notre objectif du jour est atteint. Les emplacements de bivouac nous attendent. Pourquoi ce choix de bivouac à 3000m : dormir à 3000m d'altitude avec la météo annoncée, c 'est jouir du coucher et du lever de soleil, compter les étoiles ou les nommer, dominer le monde qui s'agite en bas et vivre une superbe expérience de convivialité. Choix aussi lié à des impératifs légaux : le bivouac est absolument interdit en parc national d'Ordessa Monte Perdido par un nouveau règlement espagnol. Donc le moyen de respecter ce règlement est de dormir sur la ligne frontière. La Tour correspond à cette ligne, tout comme le Casque, le Marboré, le Taillon etc.. De là à vous dire de quel côté de la ligne nous étions, flou complet....

Nous installons donc nos matelas et duvets dans les emplacements aménagés par les bivouaqueurs précédents, nous laissons les tarps ( baches permettant, à l'aide des bâtons de marche, de confectionner un abri) au fond du sac, grand beau annoncé par les prévisionnistes météo. Apéro, diner. Tiens, pas de coucher de soleil. Ciel légèrement voilé à l'Ouest. Grand beau annoncé. Nous nous enfonçons douillettement dans nos duvets température confort 0° et commençons notre nuit de sommeil. La fatigue ne nous permet pas de compter les étoiles. Minuit : réveil en sursaut, premières gouttes, premiers éclairs. Nous nous précipitons récupérer nos tarps qui vont nous protéger sommairement de la pluie. L'averse est de courte durée. Les étoiles refont leur apparition. Plus de peur que de mal. Nous repoussons les tarps à nos pieds. Inutile de les aménager en tentes. Grand beau annoncé. Les météorologues ont droit à l'erreur. Nous replongeons dans un sommeil profond. 5H30 du matin : nouveau réveil en sursaut. Cette fois les éclairs sont puissants, la pluie est plus intense accompagnée de grêle. Nous réinstallons les tarps mais la pluie arrive à pénétrer et mouille légèrement les duvets. Théo lui, est à l'abri dans son sursac en goretex. L'orage tourne autour de nous, nous comptons les secondes entre l'éclair et le tonnerre. Ca semble s'éloigner puis la pluie cesse. Nous replions les tarps et nous regardons un peu le paysage. Sur de nombreux sommets les lampes frontales s'agitent. Tiens, nous ne devions pas être les seuls à avoir fait confiance aux prévisionnistes. Inutile de trouver un dernier sommeil, le jour commence à pointer son nez.

Dimanche 10 : tranquillement, nous rangeons nos affaires humides et nous décidons d'aller prendre le petit déj un peu plus bas au pied de la Tour. Nous descendons par la voie normale, donc en désescaladant la barre rocheuse par la cheminée que nous avions empruntée à l'aller. Nous nous installons au pied de la Tour pour petit déjeuner. C'est l'occasion de discuter avec des randonneurs humides qui avaient bivouaqué sous le Marboré et d'autres au sommet du Mont Perdu et qui redescendent. Nous rejoignons l'espèce de cirque entre la Tour et le Casque. Nous y laissons nos sacs et nous faisons l'ascension du Casque 3006m. Le soleil est bien présent même si quelques nuages persistent. En bas les promeneurs du jour commencent à arriver à la Brêche. Nous redescendons, récuperons nos sacs, repassons au pas des Izards pour rejoindre la Brêche. La journée n'est pas terminée. Nous continuons à l'Ouest. Cette fois nous ne sommes pas seuls. Le pic du Taillon 3144m attirent la foule. Nous longeons les murailles du pic Bazillac pour arriver au doigt de la fausse Brêcche 2944m. Il ne reste plus qu'à terminer l'ascension de notre 8ème 3000 du we. Au sommet, c'est grand rassemblement. Nous nous écartons en continuant la crête Ouest vers le pic Royo 3051m que nous avons la flemme d'atteindre car il est un peu bas même si il n'est qu' à 10 minutes. Il ne nous reste plus qu'à rejoindre la Brèche, le refuge des Sarradets et effectuer le long retour au parking.

Encore une bien belle sortie agrémentée d'un caprice de la nature, merci Monsieur Météo. Bravo à vous mes jeunes compagnons de sentier Jean Luc, Manu et Théo pour votre bonne humeur, votre enthousiasme. Ca a été un plaisir de vous côtoyer tout ce we et de partager avec vous ces ascensions, même si vous avez oublié à un certain moment que je n'avais plus votre endurance. Merci Jean Luc pour ton aide précieuse. Vivement la prochaine.

Michel