Carnet de route

Dans la tête des glaciéristes.
Le 02/02/2023 par Matthieu
Le jour où la FFCAM est devenu la délégation officielle pour la cascade de glace, le CAF Angoumois démarrait sa saison.
https://www.ffcam.fr/ffcam-federation-delegataire-escalade-de-glace.html
Mais qu’est-ce que l’on ressent vraiment lorsque l’on grimpe une cascade de glace ?
Fin mars - début avril c’est la fin de la saison, les derniers pans de glace s’écroule au pied des cascades devenues liquides. Il va désormais falloir patienter de longs mois avant de pouvoir ressortir les piolets. On va essayer de combler ce vide par quelques glaçons dans les pastis, de glace pilée dans les mojitos ou de sorbets 2 boules pour le dessert mais l’attente sera longue jusque-là prochaine saison.
A l’automne, nos amis randonneurs et grimpeurs se régalent de l’été indien, on les écoute nous raconter le soir en semaine au mur d’escalade, leur précédent week-end sous le soleil des 3000 ou en grimpant en short, sur les belles falaises pyrénéennes. À l’intérieur nous bouillons rageusement, nous qui ne souhaitons que fortes pluies et refroidissement massive sur toute la chaîne en cette période automnale. C’est cette pluie qui alimentera durant l’hiver la majeure partie des cascades que l’on souhaite grimper.
Nous prenons toujours notre mal en patience en limant encore et encore les dents de nos piolets.
Nous essayons d’affûter nos broches avec le bon angle pour avoir du matériel fin prêt à être utilisé le jour J.
La pratique de la cascade est un sport aussi éphémère que son support.
Difficile dès lors de planifier une sortie en glace pour l’hiver lors du calendrier du mois de septembre.
Quelles seront les conditions le jour J ?
Fera-t-il beau pour accéder au pied des cascades ?N’ y aura-t-il pas trop de neige durant l’approche ? Fera-t-il assez froid ?Quel sera le risque d’avalanche ? Trouverons-nous des compagnons courageux pour aller braver la rigueur hivernale ? Ca fait beaucoup de questions non ?
Et pourtant, en cette fin décembre nous voilà parti à quatre bougres, remontés comme des coucous, les piolet entre les dents, prêt à aller donner nos premiers coups de la saison.
Après avoir écumé bon nombre des itinéraires du côté du Taillon, secteur très souvent en bonne condition en début d’hiver, nous souhaitons cette fois-ci découvrir les cascades situées au pied du Néouvielle.
Il fallut déjà atteindre le refuge d’hiver de La Glère non gardé à cette époque, et y déposer le matériel de bivouac puis continuer encore pendant deux bonnes heures pour rejoindre au pied de la fameuse cascade du lac vert. En arrivant, nous trouvons plutôt un lac blanc, et de la glace bleue. C’est là que nous prenons pleinement conscience de la difficulté d’être daltonien au quotidien et de mélanger les couleurs des lacs (ou des prises en SAE..).
En gentil organisateur (ou plutôt en poule mouillée) je laisse généreusement les copains ouvrir les festivités, ne manquant pas de les encourager pleinement (allez fainéant… avance, on n’est pas d’ici !).
Quand on approche d’une cascade, on se dit qu’elle parait raide de loin. Plus on arrive au pied, plus on se dit que non finalement, ça va le faire. Mais une fois dedans, on confirme bien que c’est monstre raide !
Il faut alors trouver l’équilibre entre des mollets en feu, des bras pleins d’acides lactique et un mental en surchauffe quand on est éloigné de la dernière broche…mais qu’est ce que l’on vient faire là !
Bref plus le temps de cogiter, la seconde longueur est pour moi.
La raideur du ressaut au départ se définit par le nombre de broches poser ! Sans compter celle que je viens de faire tomber, mais à ce moment là ce n’est point la peur de la chute qui me tourmente pendu sur un bras mais plutôt la tête de Jacques quand je vais devoir lui expliquer dans le grenier que la broche à fait un vol plané sans retour !
Puis quand la cascade s’incline, on essaie d’avancer plus vite mais le risque devient finalement plus important, on place moins de broche , on se dit que le relai n’est plus très loin et ca peut être la fuite en avant..ne pas oublier la broche à Marius, celle qui nous sauvera peut être en cas de plomb tardif en sortie ..
Les relais sont souvent à construire également en fin de longueur, donc on doit garder de la lucidité pour faire monter en sécurité nos compagnons.
En ainsi de suite les longueurs peuvent s’enchainer, presque toujours à l’ombre bien sûr et avec l’eau qui finira par geler même dans le thermos…sans compter les terribles onglées aux mains ou aux pieds, voir les deux .Bref que du bonheur une journée de cascade de glace !
Vous comprendrez bien que le soir après une soupe de légumes, une bonne plâtrée de pâtes revigorantes et une infusion bien hydratante, le glaciériste ne demande pas son reste et s’endort paisiblement dans les bras de Morphée. Ça sera de courte du durée,
car le réveil à 4 ou 5h du dimanche matin va le sortir rapidement de ses doux rêves…
Pour nous, le programme consistait à aller au pied du Néouvielle pour en tenter l’ascension via sa face Ouest. Mais en ce mois de décembre, la neige à cette altitude n’a pas encore suffisamment transformée .. alors quand le rythme de progression ne dépasse pas le mètre à la minute , au bout d’une longueur il faut savoir se poser les bonnes questions (surtout si en plus la branche du couloir empruntée ne serait pas le plus court chemin vers le sommet convoité !)
Après une longue redescente à pied, ça sera sur le trajet du retour que les images , les souvenirs vont s’imprégner lentement jusque… la prochaine sortie !